Une chronique de Guillaume RAFFIN
En contrebas du village, au fond de la combe des Croilles, se cache un magnifique ouvrage hydraulique longtemps oublié. Beaucoup de Bollénois, pourtant familiers des lieux, en ignoraient l’existence. Pourtant, grâce à la mémoire indéfectible de Jean MAUPEU, nous avions pu repérer, dissimulés sous le lierre et la salsepareille, les restes de canaux, de bassins et de plusieurs tunnels bien conservés. Le cadastre « napoléonien » de 1826 montre bien cet aménagement. Le repérage sur le terrain correspond tout à fait au plan levé au XIXè siècle.
Description des aménagements
Le canal est installé dans le fond de la combe des Croilles (le thalweg) à l’endroit où convergent les eaux de ruissellement. Il débute en contrebas de la route d’accès au village et descend jusqu’au vieux chêne de Saint-Pierre. Les témoignages indiquent qu’un écoulement permanent existait dans sa partie basse jusque dans les années 1960 au moins, puisque certains se souviennent y avoir pêché. Aujourd’hui, l’écoulement a cessé. C’est dans la partie amont que nos travaux ont commencé. C’est la zone où la pente est la plus forte et où l’écoulement devait donc être le plus fort pendant les orages. C’est pourquoi elle a fait l’objet d’aménagements particuliers : _ Deux tunnels d’une vingtaine de mètres chacun. Le tunnel amont est le plus long, il a reçu deux regards aménagés au pied des restanques qu’il traverse. _ Un massif de pierres au débouché du deuxième tunnel est construit pour détourner le flux d’eau vers la droite à 90° et ainsi le ralentir. Il s’agissait probablement d’éviter la formation d’une ravine en aval. _ Plus bas, dans les partie où la pente est plus faible, le plan cadastral montre l’existence d’au moins un bassin (deux autres sont mentionnés par Jean Maupeu). Il était pourvu de vannes et devait permettre la décantation des eaux de ruissellement chargées en sable.
Datation et hypothèses de fonctionnement
L’ensemble des ouvrages est construit en utilisant la technique de la pierre sèche, comme les restanques et la borie qui se trouvent dans les environs. Aucune trace de mortier n’a été observée, ni dans les murs ni dans les voûtes. Le fond du canal est constitué du rocher naturel qui a été creusé pour présenter une pente régulière. Le parois ne reçoivent aucun dispositif d’étanchéité. Des blocs de taille hétérogène sont utilisés. Ils proviennent tous des carrières de calcaire local. Ils sont généralement grossièrement équarris. Leur taille varie d’un vingtaine à près de soixante-dix centimètres de longueur. On remarque que les blocs les plus gros ont été utilisés autour des ouvertures des tunnels.
La technique de construction observée rattache cet aménagement à l’architecture vernaculaire provençale, dont l’usage se développe entre le XVIIe et le XIXe siècle. Le cadastre nous indique que ces aménagements sont antérieurs à 1826. On sait par ailleurs que la population du village a atteint son maximum dans les années 1750, au moment de la remise en exploitation des carrières du Chameau. On peut raisonnablement supposer que cet aménagement est contemporain de cette époque, les carrières ayant pu fournir une bonne partie des pierres. Il a nécessité un travail collectif important de la part des villageois, soucieux de préserver les terrasses de culture située en contrebas du village qui étaient les plus fertiles, bénéficiant de l’exposition au sud et de la présence d’eau. Le savoir-faire des carriers a été fort utile pour bâtir l’ouvrage.
Il reste que la fonction exacte de cet ouvrage nous échappe. Il est certain que dans la partie amont l’écoulement des eaux ne devait pas être permanent. Aucune trace de sédimentation n’existe, et ni les parois perméables, ni la pente forte n’auraient permis de stocker l’eau. Il n’existe pas non plus de traces de vannes dans cette portion du canal. Pour autant, un écoulement existait bien en amont. La tradition orale garde en effet le souvenir d’une source au fond de la combe, à laquelle les habitants du village envoyaient parfois les enfants chercher de l’eau (source: Jean MAUPEU et Robert BOUCHON). Nous n’avons pas, pour le moment, réussi à la localiser. Le débit de la source devait être modeste en temps normal, mais le canal a une section importante (environ 1,2m de large pour 1m de hauteur pour le tunnel amont). Nous supposons donc qu’il a été conçu pour évacuer les eaux de ruissellement de surface et pour recueillir les eaux qui s’infiltraient à travers les terrasses et s’écoulaient par les parois des restanques pendant les fortes pluies.