Les Indiens Osages à Barry

Qu’est-ce que les Indiens Osages viennent faire avec les vers à soie de Barry !?

Non ils ne sont pas venus dans « notre village » !…. Encore que, en 1927, un petit groupe de femmes et d’hommes de leur tribu arrive en Havre, où ils sont accueillis triomphalement, fêtés, avant de basculer dans des conditions de vie extrêmement difficiles, mais c’est une autre histoire…

La nôtre va nous transporter au XVIIe siècle, et nous faire voyager en canoë – sur le Missippi : il est bien le point de départ de cette aventure qui va nous ramener à nos vers à soie – si précieux pour les habitants de Barry ; « aco ère nostri premier sou » (c’était notre premier argent) – en passant par les Indiens Osages et surtout leur arbre étonnant.

Quelques dates :

-1673 : le Jésuite Jacques MARQUETTE et Louis JOLLIET, canadien français descendent le Missippi en canoë vers le Pacifique : ils entendent parler des Indiens Osages et de leur arbre : « bois d’arc ».

-1682 : une deuxième expédition qui prend officiellement possession de la Louisiane et les Osages deviennent sujets du Roi Soleil sans le savoir !

-1803 : Bonaparte vend la Louisiane aux États-Unis.

-1804 : une nouvelle expédition ramène les premiers plants de cet arbre à Baltimore

Les indiens Osages ?

Peuple semi-nomade, ils vivaient dans le bassin du Missippi et étaient les partenaires privilégiés des Français pour la traite des fourrures.

Et leur arbre ? « Bois d’arc », « l’oranger des Osages », « Maclura pomifera ou maclura auriantiaca », « maclure épineux », il appartient à la famille des moracées (comme les mûriers). Les Indiens Osages fabriquaient avec son bois, tous leurs arcs, des longs et des courts pour tirer à cheval !

Cet arbre produit des fruits étonnants : de la forme d’une orange à la peau globuleuse. Ces fruits ne sont pas comestibles, mais les Osages utilisaient la chair, qui jaunit au contact de l’air, pour se peindre le visage et teindre leurs vêtements, ils auraient aussi des propriétés insecticides. Son bois est dur, garni d’épines, il est rustique et résiste à – 15 °C.

Encore deux dates :

-1832 un botaniste français, Vice-consul de France en Caroline du Sud, est nommée directeur du Jardin des Plantes à Montpellier où il plante deux plants qu’il a ramenés.

-1834 Matthieu BONAFOUS, botaniste Directeur du Jardin Royal d’Agriculture de Turin, est à Montpellier. Il cherche depuis longtemps une nourriture de substitution pour les vers à soie, que les gelées tardives des mûriers, mettent en difficulté (leur seule et unique nourriture). Les feuilles de maclura donnent un excellent résultat : il rédige un mémoire pour l’Académie des Sciences, mémoire que découvre l’un de ses membres : Adrien GASPARIN.

Or ce dernier, qui est directeur de l’Institut Agronomique de Versailles, est Orangeois ! Son frère est maire d’ORANGE (1836), lui-même député du VAUCLUSE (1830), et sa famille cultive des mûriers afin de vendre les feuilles aux magnaneries ! De GASPARIN leur fournit des plants ainsi qu’à ses administrés, tant et si bien qu’au bout de quelques années sa ville en est toute ceinturée. Trois fruits de cet arbre sont choisis pour figurer sur les armoiries de la ville d’Orange (1)…

Voilà, nous avons presque bouclé notre histoire…

Les besoins en nourriture des vers à soie, notamment en fin de croissance, sont considérables. Il faut d’énormes quantités de feuilles dans cette période de sériciculture florissante. Pensez que vers 1850, pour le seul village de Barry et la vingtaine de familles résidentes pratiquant cette « éducation » des vers, c’est plus de 20 000 kg de feuilles fraîches qui sont nécessaires. Feuilles qu’il faut ramasser dans la plaine et monter en charrettes au village, par le chemin charretier situé à l’ouest, la route actuelle n’existant pas, et répartir dans les différents foyers.

Compte tenu de ces besoins, des très bons résultats obtenus par Matthieu BONAFOUS et des nombreuses plantations réalisées, les feuilles de « Maclura » ont dû être largement utilisées.

Alors, penser que les vers à soie de Barry ont, probablement (?) eux aussi grignoter – ou plutôt dévoré comme à leur habitude ! – les feuilles du « bois d’arc » des Indiens Osages – ces « Enfants-des-eaux-du-milieu » – c’est plutôt sympathique !….

Existe-t-il encore aujourd’hui des Orangers des Osages à ORANGE ? La réponse est oui.

En existe-t-il à BOLLÈNE et sa région ? La réponse est oui…

Vous voulez en voir quelques-uns ? Allez, à l’automne de préférence au moment des fruits :

  • À Bollène, en bordure du parc de la Martinière, au bord du Lez, sur la petite route de Mondragon.

  • À Orange, en arrivant par le nord, il y en a plusieurs entre le pont de l’Aigue et le rond-point suivant sur la droite.

  • À Roussas, sur le haut du village, contre le mur du cimetière.

Bonne découverte !

(1) Le document « L’Oranger des Osages » du Patrimoine de la ville d’Arles, a été utilisé pour ce texte.

Gérard DUMARCHER